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Groupe La Poste - Derniers échos du Conseil d'Administration n°2

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Par les administrateur.e.s CGT - Juillet 2025

SERVICE(S) PUBLIC(S) A LA POSTE

L’utilisation du réseau, de l’infrastructure postale pour les activités concurrentielles (biens et services non couverts par une des quatre missions de service public) pose question.

Il est difficile d’isoler et « disséquer » les missions de service public par branche tellement elles sont imbriquées les unes dans les autres. Et donc tout autant difficile d’attribuer tel ou tel déficit à une branche comme le fait La Poste qui « plombe » la Branche Services Courrier Colis (BSCC).

C’est l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques, des Postes et de la distribution de la Presse (ARCEP) qui évalue individuellement le coût des missions de service public :

  • L’aménagement et le développement du territoire
  • Le transport et la distribution de la presse
  • Et nouvellement baptisé le « Service Universel Postal » (SUP) - soit la levée et la distribution du courrier 6 jours sur 7 en tous points du territoire - avec une première décision de mars 2025 publiée en juin (coût net de la mission entre 1219 M€ et 1234 M€ en 2022 et entre 1039 M€ et 1096 M€ en 2023)
  • Pour la quatrième mission, celle de l’accessibilité bancaire (MAB), c’est un arrêté qui fixe le montant de la compensation, mais il n’y a pas d’évaluation en tant que telle.

Les déficits des missions de service public sont ainsi établis avec une première conclusion : l’État est à la fois actionnaire de La Poste et finance très insuffisamment les missions de service public. 

Les usagers contribuent également fortement à ces missions, l’ARCEP vient encore de valider des hausses conséquentes des tarifs du « SUP ». Ces déficits sont néanmoins difficilement appréhendables au vu de l’imbrication des activités concurrentielles dans des activités de services publics. Et les règles et méthodes, quant à elles, sont opaques et sans réel « contre-pouvoir » pour contribuer à les établir. 

Le Président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) a lui-même demandé à ce qu’une mission d’inspection générale puisse se pencher sur le chiffrage de ces déficits..

Mais de manière plus poussée, pour la CGT, cela fait écho au rapport de la Cour des Comptes qui entend dans une de ses recommandations « adapter les missions de service public au recul de leur usage et à leur utilité réelle en diminuant leur champ et en ajustant leur compensation à hauteur du déficit comptable qui en résulte ».

La Cour des Comptes analyse le Groupe La Poste sous l’angle des équilibres financiers et de leur profitabilité. Depuis plusieurs dizaines d’années, l’administration postale a été transformée, sans débat véritablement démocratique, en entreprise puis en Groupe multinational doté d’actionnaires (la CDC et l’État) sommé d’être à tout prix profitable, malgré sa raison d’être historique et les attentes des usagers : le service public.

Ce n’est pas la vision CGT des services publics. Il faut partir des besoins de la population et non faire en sorte de diminuer ces besoins pour les orienter vers des activités concurrentielles qui rapportent.

A la suite du référé de la Cour des Comptes ayant donné lieu à un rapport plus conséquent (auquel nous n’avons pas accès NDLR), le Gouvernement a lancé une consultation publique à propos du renouvellement du « prestataire du Service Universel Postal », qui s’est achevée le 7 avril.

A propos du « SUP », l’idée de La Poste est d’en venir à un modèle rentable en faisant en sorte que l’organisation du travail du « SUP » intègre l’organisation du travail des activités concurrentielles, le fameux : « Il faut remplir la sacoche du facteur-factrice ». Cela peut vouloir dire que l’idée n’est pas de faire disparaître le service public postal (comme c’est le cas au Danemark).

Au lieu de parler de déficits des services publics, nous souhaitons parler des services publics et de ce qu’ils apportent aux usagers. Dans son analyse de septembre 2023, l’INSEE rappelait que la redistribution élargie, incluant l’ensemble des transferts monétaires et les services publics, améliore le niveau de vie de 57 % des personnes.

CARTOGRAPHIE DES RISQUES VERSION 2025

La nouvelle mouture de la cartographie des risques critiques est toujours intéressante à comparer à celle des années antérieures : on retrouve le risque santé et sécurité des postier.es (incluant les salariés des prestataires) et le risque d’attrition du courrier relationnel et publicitaire se transforme en risque d’attrition des différentes familles de courrier.

Dans la catégorie des risques liés à la transformation économique et sociale du Groupe :

  • Le risque lié aux capacités de refinancement : il est précisé qu’il s’agit du refinancement sur les marchés financiers qui est visé. Hé oui, La Poste est comme les autres entreprises soumises aux diktats des agences de notation…
  • Le risque « transformation des réseaux et des outils de production du Groupe » devient « transformation insuffisamment rapide des bureaux de poste ».
  • Les fonds propres prudentiels de La Banque Postale restent en risque critique : une deuxième « opération Mandarine » est difficilement envisageable. On ne peut dire : « il manque de l’argent pour financer les services publics mais il y a de l’argent pour recapitaliser une banque », banque qui ne correspond pas à la définition d’une banque au service d’un pôle financier public selon le repère revendicatif CGT.
  • La stratégie de croissance externe reste également en risque critique.
  • Les risques : « sous compensation des missions de service public » et « adaptation trop lente du modèle économique de la BSCC » sont « nouveaux », font leur apparition.
  • Le risque lié à la dynamique de développement de l’employabilité des postier.es a disparu : forcément, leur nombre diminuant, il est plus simple de recourir aux contrats précaires (cf. les 20000 intérimaires recalés de La Poste en fin 2024 et ce malgré une politique d’achats de marchés publics de La Poste).

EVOLUTION DE GOUVERNANCE PDG ET « P ET DG »

Fin juin, en ne nommant pas de PDG, l’Etat a favorisé la mise en place d’un tandem à la tête du Groupe La Poste : un Président Philippe WAHL, et un Directeur Général Délégué Philippe BAJOU. Le futur PDG devra être nommé d’ici la fin de l’année après passage par la case parlementaire.

D’autres administrateurs ont fait leur entrée : une dirigeante d’EUROCLEAR, l’actuel PDG de la SNCF, auquel la CGT a demandé s’il allait contribuer à refaire vivre le rail comme moyen de transport pour le Groupe La Poste et un ancien président de l’ARCEP, auquel la CGT a demandé s’il n’y avait pas de conflits d’intérêts (le « pantouflage » n’étant pas qualifié).

BILLET D’HUMEUR : ACCORD D’INTERESSEMENT LA POSTE SA

Les administrateurs CGT ont déjà dénoncé les chimères d’un intéressement, voire les dérives qu’il peut engendrer quant à une redistribution des richesses Groupe, car s’appuyant sur un business modèle de sous-traitance (voir dossier BRT dans la lettre des administrateurs CGT précédente), modèle que les dirigeants du Groupe La Poste n’ont pas de problème à accommoder avec le terme RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises - devoir de vigilance). 

La distribution de cet intéressement est la seule réponse que nos dirigeants apportent quant à la baisse du pouvoir d’achat et pour embrigader les postiers dans la stratégie de La Poste de croissance externe (= achat de sociétés qui doivent « produire du cash »). 

Cela lui permet d’occulter tout un débat sur une juste répartition des richesses et engendre une stigmatisation des postiers en charge des services publics (qui par essence, ne doivent pas générer de marge bien qu’ils en aient généré par le passé et mis en réserve dans les capitaux de La Poste Groupe) plus de 10 milliards en 10 ans, ce qui a permis un effet de levier pour s’endetter sur les marchés financiers et aller sur la croissance externe. Ces mêmes postiers qui pour un certain nombre, voient leur « masse salariale » affectée aux « coûts » des missions de service public et d’être ainsi désignés comme responsable du déficit des missions de service public, quand bien même ils essuient le lot de réorganisations (fusions de plateformes, pertes de points de distribution, distribution pilotée, amoncellement de procédures et d’objectifs commerciaux pour le Réseau, transformation des CREC (Centre Relation Expertise Client) en plateforme téléphonique, de vente quand ils peuvent).

Bref, on reprochera à cet accord d’intéressement :

  • 1) Il y a 2 ans avec un RNPG (Résultat Net Part du Groupe) moindre, les postiers avaient reçu un intéressement brut supérieur à celui de cette année… Le nouvel accord a donc amoindri le système de redistribution des richesses.
  • 2) Le fait d’orienter le sujet rémunération vers le prisme d’intéressement affaiblit d’autant la Négociation Annuelle Obligatoire (NAO) pour laquelle aucune enveloppe de négociation n’est fournie (puisque non budgétée dans le budget présenté en Conseil d’Administration en décembre) et pour laquelle la Valeur Ajoutée des postiers n’est même pas fournie (cf. sujet du déficit public postal et de l’asymétrie d’informations entre l’employeur et les organisations syndicales).
  • 3) L’intéressement c’est tout bénéfice pour La Poste : pas de cotisations patronales pour financer La Sécurité Sociale qui rentre dans sa 80ème année (80e anniversaire de l'ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale), l’occasion de faire passer la pilule quant aux augmentations de salaires en deçà de l’inflation (et donc perte de pouvoir d’achat qu’un versement ponctuel ne peut compenser).

Pour finir sur les chiffres qui ont été arrêtés en Conseil d’Administration, on ne peut que réitérer les constats faits lors des précédentes lettres : la difficulté de pouvoir comprendre les règles de comptabilisation de la création des richesses au sein du Groupe, voire au sein de La Poste, la segmentation entre branche qui cornerise la BSCC et donc affaiblit d’autant plus son résultat au global. Et pour cause, puisque l’on mélange activités concurrentielles et missions de services publics.

Ces mêmes règles qui font que, par exemple, le chiffre d’affaires du Groupe CNP est pratiquement le même que le chiffre d’affaires du Groupe de La Poste (on n’additionne pas les richesses, on les rebifurque pour qu’elles rentrent dans d’autres cases comptables capitalistiques).

D’où le fait qu’il y a une meilleure compréhension de la création de richesse dans les « petites filiales » de fin de chaîne où les salariés comprennent mieux d’où viennent les résultats de la société : perte d’un contrat ou réussite (exemple chez DOCAPOSTE).